Cris de singes, insultes racistes et autres bananes lancées sur les terrains viennent trop souvent gâcher la fête lors des matchs de foot. Rien que pour le mois de février 2019, l’ONG FARE (Football Against Racism in Europe) en a dénombré pas moins de 24. À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale portée par les Nations Unies ce 21 mars, voici un tour d’horizon d’actions concrètes menées en Europe contre ce fléau.
Si les pays européens n’ont pas entamé simultanément leur lutte contre les discriminations, il semble qu’aujourd’hui, tous s’engagent à se saisir du problème. Que ce soit au niveau de l’État, de la Fédération, des clubs, des joueurs ou des supporters, les actions se multiplient pour éteindre la haine et redonner ses lettres de noblesse au sport le plus populaire du monde.
La révolution italienne?
Dernier scandale en date, l’affaire Kalidou Koulibaly a montré l’inaction de l’Italie en matière de racisme. Fin décembre, lors d’un match opposant l’Inter Milan à Naples, le défenseur sénégalais a essuyé des insultes racistes de la part des supporters lombards sans que l’arbitre n’intervienne. Pire, elles lui ont valu un carton jaune alors qu’il applaudissait ironiquement l’arbitre pour sa passivité.
Un événement parmi tant d’autres en Italie ? On serait tenté de dire oui tant le pays est connu pour ses débordements racistes dans les stades. En témoigne le discours de ce supporter italien dans le documentaire Je ne suis pas un singe d’Olivier Dacourt :
Pourtant, cette fois-ci,un sursaut anti-raciste semble s’être emparé du foot italien. Après la polémique suscitée par le cas Kalidou Koulibaly, la Fédération italienne a annoncé un durcissement des mesures en cas de débordements racistes dans les tribunes. Au premier incident signalé, les équipes stopperont le jeu temporairement et, en cas de récidive, direction les vestiaires pour les joueurs et la maison pour les supporters. Une première victoire italienne dans le match contre le racisme !
Le Royaume-Uni : pilier de l’anti-racisme?
Longtemps, le Royaume-Uni a fait figure de précurseur en matière de lutte contre les discriminations dans les stades. Gangréné par le hooliganisme dans les années 1970 et 1980, le pays a dû prendre des mesures radicales notamment après le drame du Heysel qui avait causé la mort de 39 supporters avant le match Liverpool-Juventus à Bruxelles en 1985. Dans les mois qui ont suivi, de nombreuses mesures ont été prises pour pacifier les tribunes.
Ainsi, l’interdiction de l’alcool dans les stades, le bannissement des individus violents connus des services de police, la confiscation des passeports aux hooligans, l’installation de caméras de surveillances et la suppression des places debout dans les stades pour créer des emplacements destinés aux familles avec enfants. Autant de mesures qui ont permis de diversifier la population dans les tribunes et réduire les violences. Au niveau judiciaire, le Football Offences Act de 1991 a permis quant à lui de punir de peines allant jusqu’à la prison les chants racistes ou injurieux et les jets d’objets sur les joueurs.
Malheureusement, ces dernières années, les violences semblent ressurgir. En 2018, l’organisme britannique de lutte pour l’égalité dans le football Kick It Out décomptait une hausse de 58 % des incidents liés au racisme et à l’homophobie.
La France s’aligne
La France s’aligne
Si la France n’est pas particulièrement réputée pour la violence de ses supporters, le pays suit malgré tout le chemin des Anglais depuis une dizaine d’années. En 2006, une loi a notamment été votée pour durcir la répression contre les groupes ultras.
À son niveau, le PSG s’est fait remarquer par son action sans concession visant à en finir avec les comportements violents, racistes et les incivilités dans son stade. En 2010, le club a ainsi supprimé les abonnements dans les tribunes Auteuil et Boulogne réputées violentes. À la place, des dispositifs favorisant l’inclusion de jeunes issus de quartiers sensibles, et la présence de femmes et d’enfants ont été pensés pour favoriser la mixité dans les tribunes. De quoi redonner un caractère familial aux rencontres du Parc des Princes.
Wer glaubt, Rassismus in Deutschland sei kein Problem mehr, dem empfehle ich, sich sämtliche #MeTwo-Tweets durchzulesen. Es ist beeindruckend und schmerzhaft, wie viele Menschen hier ihre Stimme erheben. Erheben wir unsere Stimme mit ihnen: gegen Rassismus, jederzeit, überall.
— Heiko Maas (@HeikoMaas) 27 juillet 2018
Quand les supporters s’en mêlent…
Et puis, il y a les gestes qui marquent… Que faire quand on reçoit une banane sur la pelouse ? Jeter l’éponge et retourner sur le banc de touche ? Régler ses comptes ? Dani Alves a trouvé la parade. La banane, il l’a mangé, créant un buzz planétaire. Poursuivant l’auto-dérision sur Instagram il a commenté:
Mon père m’a toujours dit: mon fils, mange des bananes pour éviter les crampes, hahaha. Comment ont-ils pu deviner ça?
“… et que les joueurs s’engagent
Premiers concernés par ces violences les joueurs aussi s’engagent dans cette lutte contre les discriminations. Dans son documentaire Je ne suis pas un Singe, diffusé sur Canal + en janvier 2019, l’ancien joueur Olivier Dacourt leur donner la parole. De grands noms du foot comme Samuel Eto’o, Mario Balotelli, Patrick Vieira ou encore Samuel Umtiti confient, face caméra, la façon dont ils ont vécu insultes et autres cris de singes… Une façon de donner un visage au combat contre le racisme.
Ouvrir la voix
Véritable miroir de la société, le football est sans conteste le sport qui uni, rapproche et galvanise le plus ses supporters. C’est aussi par conséquent, celui qui divise et attise le plus les rivalités. Et si, dans un contexte de montée du nationalisme en Europe, les comportements racistes se retrouvent immanquablement dans les tribunes, le monde du football n’a-t-il pas une carte à jouer ?
Ses acteurs bénéficient en effet d’une aura exceptionnelle, un véritable pouvoir pour communiquer des valeurs de tolérance et d’inclusion. Des valeurs à faire briller dans les stades et bien au delà… Pour Claude Boli, historien et sociologue français (et accessoirement frère des anciens pros Basile et Roger Boli), interrogé par le journal suisse Le Temps, lutter contre le racisme, cela commence par le dénoncer, l’exposer :
Si on en parle autant, c’est parce que les footballeurs n’ont plus peur de s’exprimer. Un joueur comme Blaise Matuidi est suffisamment fort pour ne pas mettre sa carrière en danger en s’aventurant sur ce terrain.
“De l’Etat à la fédération en passant par les clubs, les joueurs et les supporters eux-mêmes, lutter contre les actes racistes est définitivement un sport qui se joue collectivement.