Grâce à son aura exceptionnelle, le sport le plus populaire du monde a montré plus d’une fois sa capacité à fédérer et à réunir les peuples, même brouillés sur le plan diplomatique. Le football comme instrument de paix ? Focus sur un outil essentiel pour laisser le passé au vestiaire et construire un meilleur futur.
Diplomatie en short
Sur le terrain comme dans les gradins, le football déchaîne les passions. Si certains le voient comme un catalyseur de rancunes et de sentiments nationalistes, d’autres l’appréhendent davantage comme un outil de progrès social et un instrument diplomatique à part entière. C’est le cas de Pascal Boniface, géopolitologue, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Iris) et amoureux du ballon rond.
Dans un entretien avec le quotidien l’Humanité il explique : “Le joueur est toujours, qu’il le veuille ou non, l’ambassadeur en short de son pays. Il l’incarne, et ses compatriotes se sentent incarnés par lui. La définition classique de l’État, c’est : un gouvernement, une population, un territoire. Et on pourrait ajouter : une équipe nationale de football.”
Et les exemples dans lesquels le sport le plus populaire du monde a chaussé les crampons de la diplomatie ne manquent pas. On se rappellera par exemple de la Coupe du monde 2002 co-organisée par le Japon et la Corée. L’événement avait en effet permis un rapprochement entre les deux pays aux relations houleuses, la domination coloniale du premier sur le second jusqu’à la Seconde guerre mondiale ayant laissé des marques jusqu’alors.
Dans la même veine, en invitant le président Turc à assister au match de qualification à la Coupe du monde 2010, son homologue Arménien Serge Sarkissian a enclenché un rapprochement historique entre les deux pays. Abdullah Gül devenant ainsi le premier chef d’Etat de Turquie à se rendre en Arménie après 17 ans de silence diplomatique au sujet de la question du génocide arménien. Une main tendue récompensée la même année par le Prix du Fair-Play 2008 de la FIFA.
“Le retour des compétitions entre pays qui ont connu la guerre est le signe d’un retour à la normale” constate Pascal Boniface dans sa chronique Football et paix dans les colonnes du Monde. Avant de conclure : “ Le football est en fait un moyen qui peut être mis au service d’un projet politique. Il ne peut à lui seul déclencher une guerre, ni susciter une tension entre deux pays dont les relations sont bonnes. (…) Et ne peut pas plus apaiser un conflit en cas d’absence de volonté politique de ses acteurs.(…) Le football peut servir de levier, dès que la volonté politique existe.”
Un pavé sur la route de la paix
Cette force de frappe diplomatique cachée derrière le ballon, Honey Thaljieh la reconnaît et en a fait son alliée. Co-fondatrice et première capitaine de l’équipe nationale féminine de football palestinienne, elle a dû abattre un nombre considérable de murs pour arriver à jouer au niveau professionnel dans son pays. Aujourd’hui responsable communication à la FIFA, celle qui a commencé à jouer au foot avec une balle de papier journal dans les rues de Bethléem continue à oeuvrer à faire tomber ces murs – au sens propre comme au figuré – à travers son combat pour la paix. Depuis 2013, elle est même reconnue “Championne de la paix” par l’ONG Peace and Sport qui promeut justice, égalité et paix à travers le monde. Pour elle, “il faut commencer par abattre les murs qu’ils soient physiques, culturels ou psychologiques. Et le sport est le meilleur moyen d‘y arriver.”
En attendant que les volontés politiques se rejoignent, ouvrant un climat propice aux échanges entre les peuples, le football demeure un formidable outil d’émancipation rappelle l’ex footballeuse : “Ce que la politique ne peut pas faire, le football peut le faire. Nous avons grandi dans une zone de guerre, entourés de murs, avec beaucoup de restrictions et une liberté de mouvements restreinte. Au lieu d’utiliser la violence, la rage ou la frustration, le football était notre façon d’envoyer un message de paix car c’est un jeu juste. Une fois sur le terrain, on oublie tout ce qui nous entoure, les insécurités, les circonstances dramatiques et la peur. Pour nous, le football était comme un médicament pour guérir nos âmes et nos corps meurtris par la guerre. Voilà ce que le football a fait pour moi. Il a changé ma vie.”
Le football dans un pays en guerre a une grande importance, et en Palestine peut-être plus qu’ailleurs. Ce n’est pas juste un sport, c’est une question d’empowerment, de dignité, mais pour les Palestiniens c’est aussi et surtout une question d’identité. “Si on regarde une carte du monde classique, la Palestine n’y figure pas en tant que pays. Mais si on regarde une mappemonde du football, elle y figure car la FIFA reconnaît la Palestine comme membre à part entière depuis 1988” conclut l’ex capitaine de l’équipe nationale.
Outil diplomatique et d’émancipation des peuples, le football semble réunir de solides critères pour faire avancer le combat pour la paix.